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17 juin 2008

Littérarisme

  Qu’y a-t-il de plus formaliste, de plus nihiliste, de plus solipsiste – et de plus décadent en un âge qui redécouvre les vertus éternelles du travail – que de perdre son temps à répertorier des récurrences, des recodages et des surcodages du mot « parapluie » dans des textes rédigés par des bourgeois oisifs du xixe siècle ? Seul un « littérariste », oisif lui-même, peut se complaire sans honte à disséquer des parapluies textuels (alors que le monde brûle ou se noie autour de lui). Et pourtant il faut défendre ce littérarisme.


  Loin d’être solipsiste, il esquisse la possibilité d’une socialité qui est à situer (loin) devant nous plutôt que dans le passé, une socialité littérarisée, nourrie d’une sensibilité à ces nuances dont Roland Barthes, dans ses derniers séminaires, faisait le contrepoison à l’arrogance de la communication médiatique. Cette socialité se nourrit de détours, fait pousser des plantes fragiles dans des lieux improbables, ne parle parfois de soi (toujours soucieuse d’une possible indécence) que pour imaginer, dans le miroir toujours déformant et réformant que nous présente l’oeuvre, une expérience de devenir-autre (antidote le plus radical à tout solipsisme). Elle s’attache au « texte lui-même », « aux propriétés qu’il a, en tant que texte », parce que c’est dans le miroitement toujours singulier des nuances qu’il nous offre qu’elle peut trouver l’occasion d’inventer un meilleur rapport à soi et au monde. Elle ne nihilise rien, sinon la prétention à retrouver des valeurs éternelles. Elle se préoccupe moins de déconstruire l’existant que d’esquisser des possibles. Elle esquive les périls, mais pour mieux cultiver l’expérimentation du périlleux. Elle croit moins à la force d’entraînement des idées qu’à la douce puissance de suggestion des mots d’esprit.

          Yves Citton in La Revue internationale des livres et des idées

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Commentaires
I
Ah! j'aime beaucoup ce "coins d'arrière saison".
P
Bien que n'étant pas spécialement amateur de dames à gros bonda, j'avais également noté cet article dans mes tablettes comme quoi même si on ne s'entend par sur l'essentiel il nous reste des coins d'arrière saison
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